Santé : « l’innovation sera le moteur de la hausse des coûts » (Le Figaro)

INTERVIEW – Pour Marc-Olivier Bévierre, associé du cabinet de conseil Cepton, la prise en charge globale de la santé sera plus efficace. Mais il faudra aussi choisir entre le maintien en bonne santé d’une large part de la population et la survie d’une poignée de patients.

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LE FIGARO. – La santé coûtera-t-elle plus cher au cours des prochaines décennies? Marc-Olivier BÉVIERRE. – Oui et non. Les dépenses ne baisseront pas. Mais la prise en charge globale de la santé sera plus efficace. L’accent sera mis sur la prévention, le parent pauvre de la santé aujourd’hui, alors qu’elle permet des économies considérables. Les systèmes d’alerte précoce vont se multiplier. Par exemple, on saura identifier les quelques centaines de milliers de Français qui doivent être vigilants sur tel ou tel aspect de leur mode de vie et on pourra s’adresser directement à eux plutôt qu’à l’ensemble de la population. Par ailleurs, le recours à latélémédecine – consultation de spécialistes, analyses d’images à distance, etc. -, qui commence à fonctionner, à faible coût, dans les pays émergents, finira par se développer en France. On verra aussi se répandre les bracelets et autres objets connectés qui collectent des données de santé et facilitent la prévention.

Enfin, l’un des grands enjeux sera d’améliorer l’observance des traitements et le suivi des ­patients dans le temps, pour ­éviter des rechutes aux conséquences souvent lourdes. Pourquoi la croissance des dépenses de santé sera-t-elle plus rapide que celle du PIB? L’innovation sera le principal moteur du développement du coût de la santé. On la trouvera dans les médicaments et, plus encore, dans les dispositifs médicaux, qui finiront d’ailleurs par fusionner, d’une certaine façon, avec la miniaturisation des instruments médicaux ou l’inclusion de minidispositifs dans les médicaments pour s’assurer de leur absorption par les patients. Mais je ne crois pas que le coût des traitements, qui peut dépasser aujourd’hui un million d’euros par an pour certains cas rares d’hémophilie, continuera d’augmenter indéfiniment. Les outils de diagnostic seront plus nombreux et plus précis, ce qui permettra de faire le tri dans les ­médicaments à administrer à un patient. Et à terme, on trouvera sans doute des solutions moins coûteuses.

C’est inévitable. Le budget de la santé n’est pas illimité et des choix difficiles vont s’imposer entre le maintien en bonne ­santé d’une large popu­lation et la survie d’une poignée de ­patients. Les modalités de remboursement des médicaments évolueront-elles? Depuis de nombreuses années, des accords lient les tarifs et la quantité de médicaments consommés. Aujourd’hui, le ­partage des risques se développe pour des traitements chers. Si un médicament ne soigne pas le ­patient comme prévu, le laboratoire le rembourse, ce qui peut lui coûter très cher. À l’avenir, en dehors des innovations majeures, aucun produit de santé ne sera remboursé si son intérêt éco­nomique n’est pas clairement démontré.